Depuis ses racines militantes et communautaires, jusqu’à ses métamorphoses les plus contemporaines, la techno demeure un art de la résonance collective. Porteuse d’une histoire vibrante faite de luttes, de contre-cultures et d’utopies dansantes, elle traverse les décennies comme une onde de fond et continue de se réinventer.
La techno naît à Detroit, dans les années 80, dans les friches industrielles d’une ville en crise. Des artistes tels que Derrick May, Juan Atkins, ainsi que le duo Cybotron dont il fait partie, y forgent un son nouveau, à la fois mécanique et émotionnel, inspiré par le funk, la synth pop européenne et la dystopie urbaine. Bien plus qu’un genre, la techno devient un langage pour exprimer la résistance, l’espoir et le futur.
Rapidement, la techno s’exporte, se transforme. À Chicago, elle flirte ardemment avec la house. En Europe, elle embrasse la culture rave. À Berlin, elle épouse les célébrations de la chute du Mur. À Rotterdam, elle devient laboratoire sonore. Les festivals éclosent, les communautés se soudent, le milieu se professionnalise. À Montréal, elle prend racine dans les années 90, entre les entrepôts du Mile-End et les sous-sols du centre-ville.
Fondé en 2000, MUTEK a été l’un des catalyseurs de cette énergie, propulsant la techno dans le champ des arts numériques. Depuis, le festival n’a cessé d’en explorer les multiples visages ; minimale, industrielle, immersive, expérimentale.
Découvrez cinq artistes à ne pas manquer :
Kevin Saunderson, là où tout a commencé
Figure fondatrice de la techno de Detroit aux côtés de Derrick May et Juan Atkins, Kevin Saunderson est membre du trio mythique The Belleville Three. Il a marqué l’histoire avec des projets comme Inner City, son label KMS et l’alias e-Dancer, où il explore une techno plus expérimentale. Pionnier de la “Reese bass” et auteur de classiques comme Heavenly, il influence depuis plus de trente ans l’évolution de la musique électronique mondiale.
Les trois pionniers de la techno de Détroit au studio du label KMS : Kevin Saunderson, Derrick May et Juan Atkins, en 1989, puis en 2017 © Detroit Free Press
Kevin Saunderson sera sur scène au festival aux côtés de son fils Dantiez pour faire renaître e-Dancer, projet mythique et vitrine de ses explorations les plus intrépides. À travers un live fusionnel, ils conjuguent la puissance brute de Detroit à une modernité affûtée, entre textures percussives et émotion vibrante. Une transmission générationnelle qui incarne l’essence même du mouvement : regard tourné vers l’avant, racines profondément ancrées.

Ce live intergénérationnel aura lieu le vendredi 22 août lors de la Soirée Métropolis 1 au MTELUS, qui réunira notamment le pionnier européen Speedy J et l’envoûtante Aurora Halal. Un rendez-vous entièrement dédié à cette scène intense des musiques électroniques les plus physiques et hypnotiques. Cinq performances dresseront un vaste panorama de la techno, entre légendes incontournables et révélations percutantes, pour une expédition musicale jusqu’à l’aube. Disons-le: c’est un must !
Speedy J, architecte sonore
Originaire de Rotterdam, Speedy J (Jochem Paap) marque les débuts des années 90 en tant que figure techno majeure du Benelux. Avec ses albums Ginger et G-Spot, il contribue à l’essor du mouvement Artificial Intelligence de Warp Records, posant les bases d’une techno introspective, souvent qualifiée de « techno de salon ».
Rapidement, il délaisse les formats lisses pour explorer des territoires plus chaotiques (Public Energy No. 1, A Shocking Hobby) mêlant rythmiques cassées, textures abrasives et structures déconstruites. Sur scène, Speedy J est un réel chef d’orchestre de dispositifs hybrides, mêlant machines, improvisation et narration sonore.

Aujourd’hui, avec STOOR, son studio-label basé à Rotterdam, il repousse les frontières de l’expérimentation en menant des performances collaboratives en direct, entièrement réalisées en hardware. Dans cet espace hybride entre studio, scène et laboratoire sonore, les artistes explorent une création spontanée, libre de tout format préétabli.
Une approche qui entre en résonance avec celle d’Aurora Halal, elle-même présente sur la plus récente session de STOOR au Kappa FuturFestival. Son esthétique DIY et immersive partage ce même goût pour un artisanat brut, où la création sonore est vécue comme un acte physique, immédiat et collectif.
Aurora Halal, l’énergie à l’état pur
Régulièrement invitée dans des institutions comme le Berghain ou De School, Aurora Halal s’est imposée ces dernières années comme une figure importante de la sphère club mondiale. Son engagement envers l’authenticité et la création collective reste au cœur de son parcours, attirant autour d’elle une communauté fidèle et vibrante.
Exploratrice des marges psychédéliques de la techno, son esthétique oscille entre intensité physique et élans hallucinatoires. Co-fondatrice du festival Sustain-Release et résidente du Nowadays à New York, elle incarne une scène nord-américaine alternative engagée dans la création de nouveaux espaces de liberté. Ses performances en direct invitent à la transe et à l’introspection collective.

Détroit, Rotterdam, New-York, Berlin… et pourquoi pas St. John’s ?
C’est sur l'île de Terre-Neuve, au large de la côte atlantique du Canada, que depuis 2018, Cleo Leigh, figure montante de la scène canadienne, tisse une techno hypnotique à partir de synthés modulaires et de machines. Sur scène, ses performances en direct sont empreints d’une intensité physique, toujours guidée par l’improvisation et une narration rythmique soigneusement construite. En 2021, elle cofonde le label vinyle SÉKS TAPES, qui met en avant une techno incisive et raffinée, avec des artistes comme Kaiser, Egotot et Wrong Assessment. Elle s’est récemment produite à travers le Canada et à l’international, notamment à FORMAT, à Toronto, avec Blawan et SHDW & Obscure Shape, au Vibrancy Fest à Halifax aux côtés de Tiga et Lady Starlight, et lors d’une tournée estivale 2024 passant par Tbilissi, Istanbul, Santiago, Détroit et Montréal.

Le jeudi 21 août, lors du rendez-vous gratuit Expérience 3, au cœur de l’Esplanade Tranquille de la Place des Arts, Cleo Leigh présentera Romance by Design, un live techno hypnotique façonné par la synthèse modulaire et le hardware. Inspirée par l’architecture de Mario Botta, cette performance improvisée structure l’émotion en son, mêlant minimalisme et énergie rave.
Bitter Babe, l’art de la fusion
Bitter Babe mêle sans complexe reggaeton dystopique, dembow fracturé et textures électroniques abrasives. Issue de la scène underground de Miami et proche du label colombien TraTraTrax, elle incarne une nouvelle avant-garde latino-américaine où le plancher de danse devient un terrain de jeu politique et diasporique.
Connue pour ses sets intenses et hybrides, elle fusionne tribal, raptor house, funk brésilien ou guaracha dans un groove percussif et global. En dialoguant avec ces genres issus des cultures latines, elle bouscule les codes de la techno et contribue à son renouvellement : plus organique, syncopée et ancrée dans les réalités du Sud global.

Elle s’est produite sur les scènes du Panorama Bar, Dekmantel ou Horst, et collabore régulièrement avec Nick León, notamment sur les titres Fuego Clandestino et Delirio, deux manifestes sonores d’une techno en mutation.
À MUTEK, elle présentera pour la première fois à Montréal un live percutant, entre tension et chaos contrôlé, à l’image d'un club music latine en pleine mutation. À découvrir le dimanche 24 août, dans la Satosphère, lors de la Nocturne 5.
La techno est un langage qui parle autant au corps qu’à l’esprit. Impossible de se tromper en assistant à l’une de ces performances dans le cadre des événements qui les accueillent : vous découvrirez des artistes au sommet de leur art !
Ce contenu a été rédigé par Barbara Philip. L’équipe de MUTEK Montréal n’y a pas pris part.
De l’Italie à Montréal: héritage expérimental et nouvelles avant-gardes

MUTEKLIVE: Honeydrip b2b MIASALAV sur Rinse France

Deuxième édition du Village Numérique : la créativité numérique québécoise mise à l’honneur du 14 au 28 août

MUTEK en tournée : Videocittà du 3 au 6 juillet en Italie
